L’équation économique complexe des moulins en Afrique : entre essor et turbulences

Le secteur de la meunerie en Afrique connaît actuellement une période mouvementée, oscillant entre une croissance soutenue et des défis persistants. La demande croissante de produits à base de blé, tels que le pain, les pâtes et le couscous, stimule l’activité des moulins, mais des turbulences récentes ont mis à l’épreuve la stabilité économique du secteur. Cet article explore les facteurs qui influencent cette dynamique, notamment la flambée des prix du blé due au conflit russo-ukrainien, les initiatives des acteurs du secteur pour faire face à ces défis et les opportunités qui se profilent à l’horizon.

La crise des prix du blé : un choc pour les meuniers africains. Le secteur de la meunerie en Afrique a été fortement impacté par la guerre entre la Russie et l’Ukraine, deux fournisseurs majeurs de blé pour le continent. Les prix du blé ont connu une augmentation spectaculaire, passant de 280 euros la tonne à plus de 500 euros en juin 2022. Bien que ces prix aient depuis retrouvé leur niveau antérieur, cette hausse soudaine a eu des répercussions significatives sur la trésorerie des meuniers, en particulier ceux qui dépendent fortement des importations en provenance de la mer Noire.

Les pays tels que la Mauritanie, le Cameroun, le Bénin et le Sénégal, qui comptaient en grande partie sur le blé russe, ont été confrontés à des problèmes d’approvisionnement. Pour éviter une catastrophe, les gouvernements ont apporté un soutien massif sous forme de subventions visant à faciliter les importations de blé. Cette intervention a permis aux meuniers de maintenir leur activité et de répondre à la demande croissante de produits à base de blé.

La diversification des approvisionnements : une réponse stratégique. Face à cette volatilité des prix et à la dépendance excessive vis-à-vis des fournisseurs russes et ukrainiens, une tendance à la diversification des approvisionnements émerge dans le secteur de la meunerie en Afrique. L’accord de juillet 2022, qui autorisait l’Ukraine à exporter ses céréales malgré le conflit, n’ayant pas été renouvelé en juillet 2023, et les achats de blé russe restant compliqués en raison des sanctions, les acteurs du secteur cherchent activement des sources alternatives de blé.

La croissance du secteur malgré l’incertitude. Malgré un contexte marqué par l’incertitude liée à l’évolution du conflit en Ukraine et ses répercussions sur les prix du blé, le secteur de la meunerie en Afrique continue de prospérer. De nouveaux projets de moulins émergent sur des marchés déjà concurrentiels, démontrant ainsi la confiance des investisseurs dans le potentiel de croissance du secteur. Par exemple, en Guinée, de nouveaux acteurs se lancent dans l’industrie meunière aux côtés de Les Moulins d’Afrique et Les Grands Moulins de Conakry.

En réponse à l’augmentation des coûts de production liée à la hausse des prix du blé, les meuniers ont ajusté les prix de la farine, ce qui a été répercuté sur le prix du pain par les boulangers. Cependant, ces hausses ont été régulées par les autorités, cherchant ainsi un équilibre entre le soutien au secteur privé stratégique et la protection du pouvoir d’achat de la population.

La course à la taille et la diversification comme stratégies. Une tendance paradoxale se dessine dans le secteur de la meunerie en Afrique : la course à la taille des entreprises. Cette approche vise à renforcer la compétitivité des meuniers face à la concurrence et à assurer leur pérennité, mais elle peut également conduire à une surcapacité dans certains marchés, comme c’est le cas au Cameroun.

Cette situation pousse de nombreux meuniers à diversifier leurs activités. Par exemple, certaines entreprises se tournent vers le marché de l’alimentation animale, en pleine croissance, pour élargir leur portefeuille. Les Grands Moulins de Dakar et la Nouvelle Minoterie Africaine au Sénégal sont devenus des acteurs majeurs dans ce secteur. En parallèle, des investissements sont réalisés pour accroître les capacités de production dans des pays comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la Mauritanie et le Cameroun.

Conclusion : Le secteur de la meunerie en Afrique est confronté à une série de défis, notamment la volatilité des prix du blé due aux conflits internationaux, la nécessité de diversifier les approvisionnements et les stratégies de croissance parfois contre-productives. Cependant, les perspectives à long terme restent positives, avec une demande croissante de produits à base de blé et des opportunités à explorer, à condition que les acteurs du secteur puissent naviguer habilement dans cet environnement complexe et en constante évolution.

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Écrit : par Ousmane COLY

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