0 00 8 minutes 11 mois 300

Au Mali, dans la région stratégique de Bourem, une attaque meurtrière perpétrée le 12 septembre par la coalition de groupes armés du nord, CSP-PSD, a jeté une ombre inquiétante sur la stabilité de la nation ouest-africaine. Cette attaque a ravivé les craintes d’une escalade vers un conflit ouvert, rappelant le douloureux souvenir de l’insurrection qui a éclaté en 2012 contre le pouvoir central.

Les anciens groupes rebelles, qui avaient déposé les armes en vertu d’un accord de paix signé en 2015, ont maintenant repris les hostilités. Les tensions entre ces groupes et les militaires au pouvoir couvaient depuis plusieurs mois, mais le CSP-PSD, une coalition de mouvements politiques et militaires à prédominance touareg, a officiellement revendiqué une attaque « anticipative » contre « l’armée malienne » et ses « partenaires » de la société militaire privée Wagner à Bourem.

Quelques jours avant cette attaque, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui fait partie de l’organisation, avait annoncé qu’elle agirait désormais en « légitime défense » contre les forces de la junte militaire au pouvoir. Elle les accuse d’avoir violé à plusieurs reprises l’accord de paix de 2015, qui prévoyait le désarmement des anciens groupes rebelles et leur intégration dans l’administration malienne, ainsi qu’un renforcement des pouvoirs politiques dans la région du Nord, appelée « Azawad » par les anciens rebelles, sans toutefois accorder un statut autonome.

Bien que les bilans des affrontements varient, l’État malien a confirmé avoir repoussé une « attaque terroriste complexe » par le CSP-PSD.

Cette résurgence des hostilités évoque de sombres souvenirs au Mali, où l’insurrection des groupes touareg et jihadistes dans le Nord avait conduit la France à intervenir en 2013 pour stopper l’avancée des islamistes vers Bamako. Les tensions actuelles sont le résultat d’une accumulation de facteurs, notamment la rupture des pourparlers de paix, le retrait en cours des forces de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et l’augmentation des attaques jihadistes dans le Nord du pays.

L’appel à la « résistance » des groupes du Nord et à la mobilisation des populations locales contre l’armée malienne marque la fin effective de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, également connu sous le nom d’accord d’Alger. Cet accord, conclu en 2015 après la reprise de plusieurs localités du Nord par les groupes rebelles en 2014, visait à éviter la fragmentation de l’État, à promouvoir la réconciliation nationale et à garantir la paix. Bien que sa mise en œuvre ait été laborieuse, des progrès avaient été réalisés sous le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keita, notamment le déploiement en 2018 du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), une force composée d’anciens rebelles et de membres de l’armée.

LIS  Affaire Sweet Beauty : une nouvelle audition de Sonko demandée

Cependant, depuis l’arrivée des militaires au pouvoir lors des coups d’État de 2020 et 2021, les discussions sur la mise en œuvre de l’accord ont graduellement échoué, conduisant à une impasse. Fin 2022, le CSP-PSD a suspendu sa participation aux mécanismes de suivi de l’accord, accusant les autorités de transition de manquer de volonté politique pour sa mise en œuvre.

Le Premier ministre Choguel Maïga, arrivé au pouvoir en juin 2021 après le second coup d’État, avait préconisé une « application intelligente » de l’accord, suggérant que certains de ses articles devraient être renégociés. Cependant, les discours souverainistes du gouvernement de transition ont alimenté la méfiance des anciens rebelles, qui ont vu les appels à la reconquête territoriale comme une menace contre eux.

Mamadou Ismaïla Konaté, ancien ministre malien de la Justice et des droits de l’homme, explique : « Il faut tenir compte du contexte de la signature de cet accord, intervenu après la reprise des hostilités dans le Nord en 2014, au cours de laquelle les groupes touareg ont infligé une défaite cuisante aux forces maliennes. Cet accord a été signé dans des circonstances critiques pour sauver le Mali. Cependant, depuis lors, la situation a évolué. Les militaires sont au pouvoir et cherchent à se réarmer avec l’intention de reprendre le territoire par la force, sans distinction entre les groupes signataires et les jihadistes qu’ils considèrent tous comme des terroristes. »

La perception divergente des groupes touareg est également au cœur des tensions entre Bamako et Paris. Lors de l’intervention française en 2013 dans le cadre de l’opération Serval, les forces françaises avaient empêché les forces armées maliennes d’entrer à Kidal, craignant des exactions. Cette décision avait été mal accueillie au Mali, perçue comme une ingérence dans les affaires internes du pays. Selon le sociologue malien Dr. Amara Mohamed, cette action est restée ancrée dans la mémoire collective des Maliens et a alimenté l’idée que l’opération Barkhane, la force française au Sahel, était en réalité une force d’occupation. Cette perception a été renforcée avec l’arrivée des militaires au pouvoir, alimentant ainsi les tensions entre les groupes du Nord et Bamako.

LIS  Championnat : Le démarrage de la Ligue 1 reportée au 15 octobre

« L’arrivée au pouvoir des militaires a été perçue comme une opportunité de se débarrasser de Barkhane et de la MINUSMA, considérées comme des obstacles à la reconquête du territoire », ajoute Mamadou Ismaïla Konaté.

Depuis le départ officiel des Casques bleus fin juin, l’armée malienne a pris le contrôle des bases de l’ONU dans le Nord du pays, une situation dénoncée par le CSP-PSD comme une violation des arrangements sécuritaires de l’accord. Pour le Dr. Amara Mohamed, cette situation équivaut à un retour au climat d’insurrection de 2012. L’attaque de la base militaire de Bourem par les anciens rebelles, bien qu’elle n’ait pas abouti à la prise de la ville, est perçue comme un « point de non-retour » selon le sociologue, confirmant ainsi la caducité de l’accord de paix.

Mamadou Ismaïla Konaté partage cette analyse : « L’attaque de Bourem, même si elle n’a pas conduit à la capture de la ville par les anciens rebelles, envoie un message fort. Il n’y a pas eu de geste envers un dialogue depuis lors, les deux parties campent sur leurs positions et sont prêtes à faire la guerre. »

Au lendemain de l’attaque, l’armée malienne a annoncé avoir mené plusieurs frappes contre des cibles terroristes dans le Nord du pays. Le président de la transition, Assimi Goïta, a également annoncé l’annulation des festivités prévues pour l’anniversaire de l’indépendance du pays le 22 septembre, les fonds devant être alloués aux victimes du terrorisme, signalant ainsi une période incertaine et potentiellement dangereuse pour le Mali.

=====================

Écrit : par Ousmane COLY

TAGS: #Sénégal #Coupdetat #CEDEAO #K2mtv #Actualités

Laisser un commentaire